Compversation #14 - Des collaborateurs (presque) comme les autres ?

16/12/2024
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Les freelances font-ils partie du périmètre des RH (et des comp & ben ?) 

Annoncé en grande pompe après la pandémie, le boom du freelancing ne cesse de se confirmer. À l’horizon 2030, ils devraient être 1.54 million indépendants à offrir des prestations intellectuelles aux entreprises.

C’est du moins ce qu’affirme l’étude statistique qui fait référence sur le sujet, réalisée par Datastorm (Groupe ENSAI-ENSAE). Soit une augmentation projetée de 57.7% par rapport à 2019, contre 2% pour le salariat. 

S’il s’agit, pour l’instant, surtout de professionnels expérimentés (ils ont 45 ans en moyenne), les plus jeunes ne semblent pas près d’inverser la tendance. 

Selon une étude récente réalisée par Fiverr, les membres de la génération Z seraient 72% à envisager de travailler en freelance. Parmi leurs motivations, ils citent les horaires de travail flexible (32 %) ainsi que l’indépendance et l’autonomie (29 %). 

En bref : cette lame de fond, sans doute encouragée par les nouvelles modalités de travail dématérialisé expérimentées pendant la crise sanitaire, ne risque pas de faiblir de si tôt. 

Et les RH dans tout ça ? 

Et les entreprises y trouvent leur compte, elles aussi : une autre étude, publiée par CEGELEM indique qu’elles seraient 89% à être satisfaites de leur collaboration avec leurs freelances.  

Pour les deux tiers d’entre elles, il ne s’agit pas seulement d’une solution ponctuelle : elles font régulièrement appel aux indépendants pour sourcer les expertises spécifiques qu’elles peinent à trouver en interne. 

Tout cela veut dire que la composition des équipes est en train de changer à la vitesse grand V… 

Les entreprises deviennent de plus en plus hybrides : des prestataires externes travaillent au quotidien avec des collaborateurs en CDI, sur les mêmes missions. 
Sans compter les salariés qui passent au contrat freelance pour contourner certaines règles d’entreprise, relatives au télétravail par exemple, ou pour pouvoir travailler à temps partiel. 

Un sujet éminemment RH, donc. 

Sauf que voilà : autour de moi, je constate que les RH ne sont pas forcément impliqués dans la gestion des freelances. 

Comme il s’agit de contrats avec des prestataires externes, ces questions sont le plus souvent gérées directement par les managers d’équipe, avec l’appui éventuel des directeurs d’achat. 

Et comme les freelances ne sont d’habitude pas intégrés au sein des SIRH, il peut être difficile de garder un œil sur les contrats. 

D’ailleurs, ça m’intéresserait de le savoir : avez-vous de la visibilité sur la population des freelances dans votre entreprise ? 

Comme le souligne l’excellent rapport co-édité par Malt, Lab RH et Mazars sur la question des freelances, il y a de nombreux freins qui empêchent les RH de s’intéresser trop directement à cette population.

Parmi eux, le risque juridique de requalification, bien réel.

Mais aussi celui de voir la culture managériale de l’entreprise challengée. 

Sans parler de la charge de travail que cela représenterait : à l’heure où notre profession risque l’épuisement professionnel généralisé, pas étonnant qu’on manque de bande passante. 

C’est pourtant ces risques-là qui doivent nous pousser à prendre les devants sur la question des freelances. 

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Un nouveau far-west de la négociation salariale ? 

En tant que comp & ben, la première question que je me pose est la suivante : 
Comment ce phénomène pourrait impacter les grilles salariales et l’équité interne des entreprises ? 

Le timing, lui aussi, est intéressant : à l’heure où la législation devrait bientôt garantir la transparence salariale des salariés… 

Le recours au freelancing serait-il un moyen de contourner ces obligations-là ? 

La directive européenne sur la transparence devrait avoir pour effet de minimiser l’impact de la négociation sur les packages salariaux, dans un souci d’équité (notamment homme-femme). 

Les contrats des freelances, eux, peuvent être négociés librement et sont complètement hors-process.  

Un chiffre de l’étude Datastorm m’interpelle : les freelances sont une population majoritairement masculine, avec un taux de féminisation qui n’est que de 32% (contre 52% pour le salariat). 

Nous savons que les inégalités de genre dans les salaires peuvent s’expliquer par une différence d’attitude dans la négociation… est-ce aussi la raison pour laquelle moins de femmes font le choix du freelance ? 

Plus globalement, il faudrait se demander comment les salariés en CDI vivront la cohabitation avec leurs collègues en freelance. 

D’autant plus que les honoraires bruts perçus par les freelances peuvent sembler mirobolants à première vue : 

Les salariés qui seront tentés de comparer leurs revenus à ceux des indépendants devraient se souvenir que les freelances paient eux-mêmes organismes de sécurité sociale, caisses de retraite, mutuelles… 

Et ne bénéficient pas des avantages qu’assure le contrat CDI.

Les conditions de travail et de rémunération de ces deux populations sont tellement différentes qu’il peut paraître impossible d’obtenir une homogénéité dans les chiffres. 

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Une différence entre salariés et freelances qui tend à s’estomper 

Toujours est-il : les comp & ben qui regardent vers l’avenir doivent se poser dès aujourd’hui la question d’équité entre freelances et salariés. 

Surtout à l’âge de la transparence, qui promet à chacun de savoir où sa rémunération se situe par rapport à celles de ses collègues. 

Sans parler des freelances entre eux, qui, en travaillant côte à côte, seront amenés à comparer leurs honoraires et leurs conditions. 

Un certain nombre d’entre eux entament déjà une réflexion très riche sur leur statut et la métamorphose du monde de travail. Pour eux, l’indépendance ne se fait pas aux dépens de la sécurité et de l’égalité : 

Des initiatives comme celle du néo-syndicat des travailleurs indépendants prouvent qu’il ne s’agit pas d’une simple tendance passagère, survivance de la crise sanitaire… 

Mais d’une véritable refonte de nos façons de travailler.  

À l’heure où les CDI se flexibilisent (vacances illimitées, horaires flexibles, télétravail…) et les contrats d’indépendants sont de plus en plus encadrés, peut-on penser que les différences entre les statuts tendent à s’estomper ? 

Plutôt qu’une binarité entre freelance et CDI, faut-il considérer le pool de talents d’une entreprise d’un point de vue plus global et intégré, indépendamment du contrat ? 

C’est nous, RH et comp & ben, qui devront répondre à ces questions passionnantes. 

Notamment celle de l’hyperpersonnalisation des packages : est-ce que l’ère de la transparence s’accompagnera d’une diversité des contrats et d’une différenciation des avantages offerts à chacun ? 

(J’aborderai cette question dans une prochaine newsletter). 

Comme toujours, ma boîte mail est ouverte pour recueillir vos réflexions et impressions. 

Hâte de continuer la conversation ! 

Pour continuer la conversation

Une sélection de contenus pour nourrir la réflexion. N’hésitez pas à m’envoyer les articles qui vous ont semblé intéressants ! 

Freelancing & Open Talents  - Rapport Malt x Mazars x Lab RH

Ce rapport passionnant propose un état des lieux du recours aux freelances par les entreprises et mène une réflexion très riche sur l’implication des RH dans le management des talents, même lorsqu’ils constituent une population hybride. 

Cohabitation salariés/freelances dans l’entreprise : quels enjeux RH ? - Hello Workplace - Maïté Hellio 

Le CEO de Beager, une plateforme de mise en relation entre entreprises et freelance, s’exprime sur l’implication des RH dans la gestion des populations de freelance et analyse les stratégies des entreprises les plus matures sur la question, qui tendent à devenir des hubs de compétences, privilégiant les compétences plutôt que le type de contrat. 

Elise Penalva-Icher, sociologue : « Il y a une forte demande de transparence salariale dans les entreprises » - Le Monde -  François Desnoyers

Une interview d’Elise Penalva-Icher, sociologue qui publie un ouvrage intitulé « La Frustration salariale. A quoi servent les primes ? » aux éditions Sorbonne Université Presse. Elle s’exprime sur la soif de transparence et de compréhension qu’éprouvent de plus en plus les salariés, et du mécontentement que peut générer une trop grande opacité des méthodes de rémunération. 

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