Le soft management : quand l'intelligence émotionnelle sert la performance

6/9/2024
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Par opposition au hard management, par nature pyramidal et axé sur la compétition entre les individus, le soft management prône une approche bienveillante et collaborative… sans pour autant verser dans le consensus mou. Explications.

En France, seuls 56% des salariés déclarent que leur management leur permet de donner le meilleur d’eux-mêmes. C’est peu, ce qui condamne les entreprises à faire évoluer leurs systèmes organisationnels, à commencer par faire la chasse au “hard management” qu’il devient difficile de faire cohabiter avec les attendus des nouvelles générations, sans parler des marchés pénuriques qui pressent les entreprises à repenser l’expérience collaborateur qu’elles proposent à leurs employés. Un concept qui intéressera plus particulièrement les entreprises qui ont une vision à long terme et s’intéressent à leurs performances extra-financières.

 “Les abus d’un capitalisme effréné ont suscité une défiance chez la jeune génération, qui a été témoin de scandales économiques et de licenciements massifs de ses aînés par certains employeurs. De fait, les jeunes sont aujourd’hui soucieux des questions de RSE et qualité de vie au travail”, relate Anissa Djabi-Saïdani, enseignante-chercheure en GRH et Management responsable au sein de l’ISC Paris et spécialiste de l’inclusion et de la qualité de vie au travail. 

Adhocratie (par opposition à bureaucratie), entreprise libérée, hiérarchie plate, leadership positif… Ces dernières années, une partie des entreprises a opéré son examen de conscience. Certaines se sont transformées à l’image de Chronopost qui se fonde sur les préceptes du lean management et assoie sa politique sur trois piliers : l’intelligence collective, le juste nécessaire et la remise en cause permanente. On peut aussi citer le cas de Favi, un sous-traitant de l’industrie automobile qui fait tourner ses équipes sans chef, ou du moins, fait élire ses responsables par les collaborateurs. 

Le soft management n’est pas que douceur

Le soft management est une émanation de ce changement de paradigme organisationnel. Mais n’allez pas le traduire littéralement ! “Oui, le soft management est intriqué à la bienveillance, mais c’est surtout une contraction entre l’intelligence émotionnelle et le management. Autrement dit, il s’agit de la capacité d’un manager à mobiliser ses soft skills”, pointe Boutayna Burkel, fondatrice de The Helpr, cabinet spécialisé dans l’efficience RH. 

De fait, la terminologie peut induire en erreur, mais pratiquer le soft management, ce n’est pas uniquement être dans la rondeur, la douceur, le consensus. Bien sûr,  le soft manager va rechercher l’échange et éviter toute communication brutale ou radicale en misant sur l’empathie et l’écoute active, mais il va aussi faire preuve de réflexivité, de capacité à réguler son propre stress,  à prendre du recul, ou faire montre d’esprit critique… et cela peut passer par la capacité à s’opposer à ses propres supérieurs hiérarchiques. “Le soft management est intimement lié au courage managérial quand il existe des désalignements dans l’entreprise, comme des conflits de valeur”, poursuit notre interviewée. 

Le soft manager, qui se met toujours au service de son équipe, va chercher les facteurs de motivation de ses collaborateurs pour toujours tenter de donner du sens à ses prises de décision, quitte à s’écarter parfois du chemin tracé un peu plus haut.

Le soft manager ne considère pas ses subordonnés comme de simples exécutants. Il ou elle privilégie la confiance au contrôle et prend le contre-pied en mettant ses compétences, son expérience ainsi que les ressources nécessaires au service de ses équipes. Le soft manager facilite la collaboration entre les individus en veillant à ce que l’environnement de travail soit agréable et inspirant. C’est précisément ce qui permet à chacun de donner le meilleur de lui-même”, résume Anissa Djabi-Saïdani. 

A noter que le soft management se pratique aussi auprès de collaborateurs dont on n’a pas la responsabilité hiérarchique (chefferie de projet), et qu’il faudra embarquer grâce à ses soft skills. “Le soft manager va aussi manier ses compétences sociales et comportementales de manière transversale, auprès des autres équipes qui sont toutes interdépendantes”, pointe Boutayna Burkel. 

Comment éviter d’en faire un énième sujet bullshit ?

Empathie, écoute active, bienveillance… autant de mots qui semblent galvaudés quand bien même ils représentent des attendus pour les équipes. A l’heure actuelle, 50 % des salariés jugent les dirigeants distants et déconnectés de la réalité, ni à l'écoute ni empathiques envers leurs collaborateurs. Ils sont la même proportion à estimer que leur dirigeant n’est pas inspirant (« Les salariés et la parole de leurs dirigeants », Baromètre Whistcom / OpinionWay, 2023). Pourtant, l'intelligence émotionnelle peut être un facteur de succès lorsqu'elle n'est pas utilisée de manière transactionnelle ni à des fins individualistes par les leaders, mais plutôt pour servir une réussite collective et authentique peut-on lire dans l’ouvrage « Authenticity » de Susan Harter, Handbook of positive psychology, Oxford University Press, 2002).

Alors, comment faire en sorte que le soft management ne se transforme pas en objet bullshit ? Peut-il vraiment s’apprendre ou procède-t-il de qualités intrinsèques à la personne ? 

1. Traduire les qualités en compétences

Pour Anissa Djabi-Saïdani, le soft management n’est pas réservé à une caste d’individus dotés de qualités naturelles. Il est important de rappeler que “ces qualités sont associées à des compétences qui s’acquièrent et se développent. C’est d’ailleurs pour cela que je corrèle souvent le développement personnel au développement professionnel. Tout manager devrait faire un travail sur lui ou elle pour apprendre à manager en conscience et avec intelligence”

2. Monitorer les indicateurs de performance et d'engagement

De plus, les compétences développées à travers des formations peuvent ensuite être mesurées (écoute active, leadership etc…).  A cet égard, Anissa Djabi-Saïdani souligne l’importance d’apprécier le degré de maîtrise de ces compétences sur une échelle de 4 niveaux.  Selon elle, chaque manager pourra ainsi se situer et se perfectionner, grâce au feedback de ses équipes, au suivi de formations ou encore au partage d’expérience entre pairs. Autre outil intéressant pour suivre l'impact de la mise en place du soft management : le suivi d’indicateurs comme le taux de turnover et d’absentéisme, les résultats de l’équipe, les remontées opérées par les questionnaires relatifs au niveau de bien-être, ou encore les évaluations du manager par son équipe…

3. Doubler la formation d’expérimentation sur le terrain

Et puis, il ne faut pas non plus oublier que la formation se poursuit toujours par l’expérience sur le terrain. “Souvent, un manager est pris par le temps et ne parvient pas à mettre en œuvre ce qu’il a appris. C’est pour cela que je crois beaucoup au co-développement et aux retours d’expérience à chaud qui permettent d’avancer. Le but étant ici d’établir un dialogue, sans jugement des faits qui se sont produits”, conseille Boutayna Burkel. 

Un soft manager bientôt en version augmentée ?

Notons enfin que le soft management n’est en rien antinomique avec l’avènement de l’IA. “Oui, on peut avoir des simulacres de créativité avec l’intelligence artificielle, mais je suis convaincue que pour être véritablement innovant et asseoir sa légitimité auprès des équipes, le manager doit plus que jamais doubler ses compétences soft de compétences techniques pour démontrer sa réelle valeur ajoutée. Tel un chef d’orchestre, il doit savoir imbriquer les compétences des uns avec celles des autres”, conclut Boutayna Burkel.

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