Parce que la dernière impression compte peut-être autant (si ce n’est plus) que la première, l’offboarding est une étape clef de la vie d’un collaborateur en entreprise. Encore trop souvent négligée, sa réussite représente pourtant un immense levier en termes de marque employeur.
Coucou, me revoilou ! Dans le monde professionnel, on assiste de plus en plus à des retrouvailles entre ex : les fameux “salariés boomerang”. Partis pas si fâchés, voire carrément encore un peu amourachés, ils se retrouvent plus tard pour écrire un nouveau chapitre de leur histoire, renforcés par leurs expériences et rencontres respectives. Pour les entreprises, voilà un excellent signe côté marque employeur !
Les salariés boomerang, la meilleure preuve de réussite
Mais pour que ce joli retour de flamme ait lieu, encore faut-il avoir réussi la phase d’offboarding du salarié. Or, c’est loin d’être gagné dans un nombre conséquent de structures. Bien sûr, il ne s’agit pas de récupérer tous les salariés partis vers de nouvelles aventures : le turnover demeure sain au sein d’une entreprise. Mais un mauvais offboarding peut être catastrophique non seulement pour les recrutements à venir (même en dehors de Glassdoor, tout finit par se savoir), mais aussi pour l’engagement des collaborateurs qui restent.
Reconnaissez-le : rien que dans votre cercle amical, vous devez assister à pléthore de love dramas lors des ruptures professionnelles.
“Les entreprises se disent encore trop souvent qu’il ne sert à rien de fidéliser et d’investir en des personnes qui sont sur le départ. Mais pour moi, c’est comme si l’on échouait sur la ligne d’arrivée”, analyse Anaïs Matonnier, consultante et formatrice pour Animare.
Tout cela est dû aux stéréotypes hérités des dernières décennies où l’on faisait carrière chez un même employeur. “Aujourd’hui, on bouge tous les 2 ou 3 ans, il faut s’accoutumer à cela et essayer d’être le plus neutre possible. Un employé n’a pas à se sentir coupable de partir”, poursuit l’experte. C’est justement parce qu’il s’est senti inconditionnellement accueilli dans son choix de quitter son employeur que Vincent Coutansais, Associé chez Xelya (marque Diapaz), a décidé de le retrouver presque dix ans plus tard.
Dépassionner les ruptures, l’enjeu n°1
“J’ai démarré chez Xelya juste après mes études. Au bout de 7 ans, j’avais besoin de confronter mon savoir au-delà des murs de l’entreprise pour confirmer si ce que j’avais appris valait aussi ailleurs. Lorsque j’ai annoncé mon départ, les fondateurs ont fait preuve de beaucoup de compréhension. Ils ont certes cherché à connaître les motivations de ce départ, mais sans me mettre une quelconque pression. Leurs questions étaient pertinentes et m’ont d’ailleurs aidé par la suite lorsque j’ai pris mon nouveau poste”, se souvient-il.
Résultat ? Durant ses trois mois de préavis, Vincent a travaillé de manière consciencieuse pour réaliser la meilleure transition possible avec son successeur. Un plan de passation très structurant a été mis en place afin d’assurer qu’il n’y ait aucune perte de connaissances. Vincent s’est même tenu à la disposition de son successeur par la suite pour l’aider durant la phase de transition, en répondant à quelques coups de téléphone. Sa démission n’a d’ailleurs pas empêché ses anciens boss d’assister à son mariage trois mois plus tard, preuve qu’aucune rancune n’était venue entacher la relation.
Dix ans plus tard, après une expérience managériale riche d’apprentissages, bons comme mauvais, et un saut dans l’entrepreneuriat, Vincent a renoué avec son premier amour. “Nous sommes toujours restés en contact, et je suivais leur évolution. Quand ils ont pivoté vers le modèle d’entreprise agile, je me suis dit que c’était une entreprise dans laquelle je me voyais continuer à grandir”, nous raconte-t-il, convaincu qu’avec une bonne dose d’écoute, l’offboarding peut être un précieux atout de développement professionnel.
“La meilleure preuve pour moi d’un offboarding réussi, c’est lorsque la personne que j’ai offboardée me rappelle des semaines, des mois ou des années plus tard pour me demander des conseils”, soutient Vincent.
Mais alors, quelles sont les clefs d’un offboarding réussi ?
Maintenant, place aux conseils pratiques. Spécialisée dans les ateliers de coconstruction d’offboarding, Anaïs Matonnier nous livre ses précieux enseignements.
1. Clarifier les rôles, construire une checklist exhaustive
Quand une personne s’en va, qui fait quoi, et quand ? La tentation est forte de se dire que ce sont “les RH” qui s’occupent de tout… puis on découvre que des accès ne sont pas coupés, qu’un ancien salarié est toujours admin du CRM, ou que son répondeur redirige encore les mails pro vers sa boîte perso. Pas gégé s’il est parti à la concurrence non ? Construire une checklist d’offboarding claire et exhaustive permet donc de sécuriser le départ à tous les niveaux : administratif, technique, RH, managérial. Cette checklist doit préciser les tâches, les échéances, et surtout les responsabilités.
Exemples d’items à intégrer :
- Clôture des accès aux outils (CRM, boîte mail, Slack, WhatsApp…)
- Récupération du matériel
- Archivage des documents de travail
- Organisation de la passation
- Préparation de la communication interne
- Gestion des documents RH (solde de tout compte, certificat de travail…)
2. Éviter les zones grises et les non-dits
Un départ est toujours un moment de fragilité. Or, le flou crée souvent des tensions inutiles. Quand les rôles ne sont pas clarifiés, les collègues hésitent à reprendre les sujets laissés, par peur de marcher sur les plates-bandes des autres, ou au contraire, s’imposent maladroitement. Ne pas avoir accès à l’ordinateur d’une personne en arrêt ou en départ, devoir tout réexpliquer sans soutien, se voir imposer une surcharge… tous ces petits dysfonctionnements finissent par alimenter un climat de défiance ou de fatigue dans l’équipe. Il faut donc agir à froid : anticiper les départs comme des moments critiques, où il est essentiel d’avoir pensé aux relais, à la communication et à la continuité.
3. Adapter le parcours selon le poste, mais en toute transparence
Tous les départs ne se ressemblent pas, et “c’est OKKKKAAYY”. Le départ d’un commercial qui rejoint un concurrent ne se traite pas comme celui d’un chargé de support. Certains auront des accès coupés plus tôt, d’autres continueront à participer aux réunions. Mais cette différence doit être expliquée. Car lorsqu’elle ne l’est pas, elle devient suspecte ou perçue comme une punition. Il faut assumer que le parcours d’offboarding peut varier, à condition que cela soit anticipé, annoncé et compris.
4. Maintenir une posture adulte et neutre
Il arrive que des managers vivent un départ comme une trahison. Certains créent un climat de tension ou coupent brutalement les ponts. Difficile ensuite de demander à la personne partante d’assurer une passation sereine. Or, un départ n’est pas une rupture personnelle. C’est une évolution normale dans un parcours. En restant dans une posture adulte, en faisant confiance aux gens, en explicitant les règles, on désamorce les drames inutiles.
5. S’adapter aux besoins de chacun·e
Certaines personnes vivent leur départ dans la pression, d’autres avec soulagement. Certaines veulent faire les choses proprement, d’autres préfèrent couper vite. Il est utile de questionner les besoins de la personne qui part, tout comme ceux de l’équipe ou du manager. Un échange simple peut permettre de mieux répartir les priorités. Par exemple : "Quelles sont les trois choses que tu veux vraiment que je transmettre ou boucle avant de partir ?" Ce dialogue permet d’alléger les tensions, et de poser des bases plus humaines et plus réalistes.
6. Créer un moment de clôture collectif
Ne pas marquer le départ peut laisser un goût amer, comme une absence de rite de passage. Cela vaut autant pour la personne qui part que pour celles qui restent. Un pot de départ, un message, un mot de l’équipe, peu importe la forme, mais il faut matérialiser ce moment. Dans certaines équipes, faute d’avoir su qui devait l’organiser, des collaborateurs sont partis sans un mot, sans un au revoir.
7. Organiser une récupération de feedback utile
L’offboarding est une opportunité précieuse pour collecter du feedback, à condition de le faire avec intelligence. Exit interview, questionnaire, entretien informel, rapport d’étonnement : peu importe le format, il doit avant tout coller à la culture d’entreprise. Et surtout, servir à quelque chose… Il est donc essentiel que les personnes soient formées à donner et recevoir du feedback sans se braquer. Le but n’est pas de juger, mais de comprendre ce qui a fonctionné ou non, et de progresser en continu.
8. Créer un « Goodbye Pack » pour rester en lien
Pourquoi ne pas imaginer un petit “Goodbye Pack” ? Un carnet avec des ressources utiles, un mot de l’équipe, des contacts, voire une newsletter alumni. Cela permet de garder un lien avec celles et ceux qui partent, et même, parfois, de les voir revenir un jour. Certaines entreprises prévoient un point annuel pour prendre des nouvelles de leurs anciens collaborateurs. Ce n’est pas forcément scalable à grande échelle, mais c’est une façon intelligente d’entretenir un réseau bienveillant.