Comment garder les top performeurs à l'ère de la transparence ?

17/7/2024
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A partir de 2026, les entreprises devront se conformer à la nouvelle directive européenne en matière de transparence des rémunérations. Son objectif est clair : diminuer l’écart de salaire H/F (qui est encore de 13% en Europe) en laissant moins de place à l’arbitraire. Dans ce contexte, nombreux sont les spécialistes à se poser cette question : comment récompenser la surperformance si les niveaux de salaire sont voués à s’harmoniser ?

Résorber les écarts injustifiés, tel est l’état d’esprit de la nouvelle directive européenne sur la transparence des rémunérations. “Selon la nature du poste, la localisation, les compétences exigées, la taille de l’équipe etc, on pourrait imaginer que les entreprises établissent des politiques de rémunération uniques”, analyse Virgile Raingeard, CEO de Figures. Et pour cause, avec cette nouvelle réglementation, tout salarié sera en droit de demander à son entreprise de justifier un écart de salaire à poste égal notamment (mais pas que). 

Pour limiter les risques juridiques, les entreprises vont devoir repenser leur politique de rémunération et établir une liste de critères objectifs pour fonder leurs décisions.

“La rémunération ne va pas vraiment être préétablie, mais on va porter à la connaissance des salariés tous les éléments qui servent à la constituer”, pointe Leslie Nicolaï, Associée fondatrice du cabinet Factorhy avocat.

De ce fait, les bonus discrétionnaires à la seule main des managers sont donc voués à disparaître. Si rémunération exceptionnelle il y a, celle-ci devra être absolument transparente.

Vers une mobilité accrue des top performeurs ?

La littérature scientifique portant sur la transparence des salaires démontre que l'objectivation des décisions aboutit à une baisse des discriminations H / F. Et c’est une bonne nouvelle. “Cependant, l’établissement de ces grilles peut créer une forme de rigidité en baissant la marge de manœuvre des managers pour récompenser les top performeurs”, souligne Virgile Raingeard.

Une étude menée sur la transparence des salaires au Danemark a ainsi démontré que si la transparence a réduit l’écart salarial homme-femme, c’est surtout aux dépens du salaire des hommes, qui progressent moins vite. Et puisqu’il est de notoriété publique que les gains de salaire s’opèrent surtout en changeant d’entreprise, on peut imaginer que les top performeurs (pas uniquement les hommes bien entendu !) deviennent encore plus mobiles pour s’extraire d’une forme de rigidité en interne. 

Tout ce qui se justifie peut s’entendre ?

Indya Pereira, consultante RH, nous donne un autre regard sur la question après avoir elle-même évolué par le passé dans une structure où la transparence des salaires nominative était de mise (chacun connaissait le salaire des autres). “Dans cette entreprise, cela ne nous empêchait pas d’avoir des écarts de salaire avec les top performeurs. De même, on pouvait accepter qu’une recrue soit davantage payée, car c’était l’état du marché, et que nous avions besoin de cette personne là (en revanche, des écarts de plus de 10 ou 15 K nécessitaient une discussion avec le reste de l’équipe). Mais la transparence nous a permis de réduire la frustration et les bruits de couloir”, affirme-t-elle. 

De plus, les employés avaient la main sur leurs propres augmentations, mais toujours en s’appuyant sur des critères objectifs : alignement avec le marché, contribution aux résultats de l’entreprise etc. “Encore une fois, tout est question de transparence et d’objectivation, ce qui nécessite une préparation de longue haleine côté RH. Il faut pouvoir expliquer les différences et rectifier rapidement si nécessaire” explique-t-elle. L’un des points clefs sera de pouvoir tracer toutes les prises de décision et ainsi être en mesure de les justifier en cas de contentieux.

Comment objectiver la performance ?

Objectiver la performance, oui mais comment ? “La transparence va de paire avec l’équité, qui ne signifie pas l’égalité. Il s’agit simplement que chacun puisse connaître les règles du jeu pour éviter tout risque de désengagement”, analyse Nicolas Lepercq, Directeur de la R&D chez Ignition Program. Ces règles du jeu doivent permettre de mettre en lien ce qui est fourni comme prestation par l’employé et les modalités de récompense côté employeur.

Dans ces critères, on peut intégrer la notion de superformance, qu’il s’agisse de résultats en termes de CA, de qualité de travail perçue par le client, d’expertise sur des sujets centraux, de capacité à créer du lien dans l’équipe…”,

poursuit notre interlocuteur. La surperformance s’apprécie ainsi tant d’un point de vue qualitatif que quantitatif. 

Cette notion de qualité est d’autant plus importante qu’elle constitue une forme de garde fou pour la culture d’entreprise. Leslie Nicolaï s’autorise ainsi une mise en garde quand on aborde cette notion de surperformance : “Si on valorise publiquement la surperformance dans l’entreprise, il faudra être parfaitement au clair sur les critères pour ne pas être accusé d’engendrer des risques psychosociaux”. 

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Transparence et individualisation, les deux tendances de demain

Outre la transparence, le sens de l’histoire, c’est aussi d’aller vers davantage d’individualisation dans les rémunérations. Alors, comment ces deux notions vont cohabiter, à la fois à l’échelle macro, mais aussi micro ? “Je crois qu’une entreprise dont la politique actuelle est de payer au-dessus du marché continuera à le faire par la suite pour attirer les top talents”, pointe Alexis Manso, Head of C&B chez OVHcloud. Il est également convaincu qu’il sera possible de continuer à donner une part de variable conséquente aux top performeurs, à condition bien sûr de pouvoir le justifier.

Je pense que les entreprises vont devoir inventer des systèmes de variable innovants”, ajoute de son côté Leslie Nicolaï.

Puisque seront exclues d’une obligation de transparence les sommes qui constituent un avantage retiré par le salarié au titre d’actions qu’il détiendrait dans la société (voir notre FAQ), on peut par exemple imaginer que les entreprises pourront jouer sur ces éléments pour retenir les top performeurs.

Ce qui est important, c’est que le package proposé coïncide avec la culture d’entreprise, et notamment que la pondération entre la rémunération individuelle et collective soit en phase avec celle-ci”, nuance Alexis Manso. Par exemple, chez OVHcloud, la politique de rémunération se fonde sur trois piliers : les basiques (salaire de base, mutuelle, prévoyance), le lifestyle (services de conciergerie, sport, crèche etc), et la reconnaissance de la performance (prime d’intéressement que le salarié peut percevoir sous forme de cash, d’actions, ou d’un mix des deux, ou encore la reconnaissance de l’ancienneté (voir plus d’infos ici)

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Parce qu’il n’y a pas que la rémunération qui compte

Même s’il travaille à l’établissement d’un package attractif, Alexis Manso rappelle enfin que la rémunération demeure un sujet hautement émotionnel, y compris chez les top performeurs. “Les problèmes de rémunération, c’est souvent l’arbre qui cache la forêt”, affirme-t-il, rappelant qu’il faut travailler sur les leviers de motivation profonde comme l'autonomie, la responsabilité, les perspectives de carrière, la confiance.

C’est pourquoi les responsables C&B devront encore plus travailler de concert avec les responsables de la gestion de carrière et de la formation”, encourage Alexis Manso.

Pour Nicolas Lepercq, il est effectivement nécessaire d’envisager l’intégralité de l’expérience collaborateur pour le top performeur (comme pour les autres d’ailleurs !). “Dans les études que j’ai menées, on voit que parvenu à un niveau de salaire suffisamment acceptable, la question de la rémunération prend moins d’ampleur pour le salarié (bien sûr, tout dépend aussi du contexte et de l’activité de l’entreprise). Le top performeur attendra également qu’on lui donne une expertise élargie, qu’on le rende plus employable, qu’on lui confie des projets stratégiques. Des éléments comme un meilleur équilibre de vie pro perso sont aussi des facteurs de rétention importants”, souligne le chercheur. 

Encore une fois, si l’on accorde au top performeur une plus grande autonomie par rapport à ses collègues, il sera nécessaire de l’expliquer au reste des équipes (comme pour la rémunération !). “Tout cela va exiger une forme de courage managérial”, conclut Alexis Manso. Et une bonne dose de préparation (ça tombe bien, nous sommes là pour ça) !

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