La semaine de 4 jours est-elle l'avenir du travail ? - Figures
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Idée encore saugrenue il y a quelques années, la mise en place de la semaine de 4 jours fait doucement son chemin en France.
Quels sont ses avantages ? Comment l’appliquer concrètement dans son entreprise ? Quels sont les retours d’expérience d’entreprises qui l’ont déjà testé ? C’est ce que nous allons voir dans cet article.
Semaine de 4 jours : travailler moins mais mieux
Réclamée par des salariés souhaitant plus d’équilibre entre vie pro et vie perso, la semaine de 4 jours n’est plus une idée absurde.
À quoi ressemble une semaine de 4 jours ?
Actuellement, les salariés de la quasi-totalité des entreprises françaises travaillent 5 jours par semaine. La semaine de 4 jours consiste à répartir le temps de travail sur 4 jours ouvrés, du lundi au vendredi. Avec ce système, les salariés bénéficient de 3 jours de repos par semaine.
Le 3ème jour de repos est à choisir selon les besoins et la culture de l’entreprise. Il peut être commun à tous les employés (tout le monde est absent un jour précis) ou bien tournant (certains employés sont absents le mercredi, d’autres le vendredi…).
Pour appliquer la semaine de 4 jours, deux modes de fonctionnement sont possibles :
- Réduction du temps de travail hebdomadaire : En passant à la semaine de 4 jours, le salarié qui travaillait 39 heures sur 5 jours, soit 8 heures par jour, va maintenant travailler 4 jours et 32 heures par semaine.
- Maintien du temps de travail hebdomadaire : En travaillant 4 jours par semaine, le salarié va augmenter son amplitude horaire journalière, sans modifier son temps de travail hebdomadaire. Si l’entreprise pratique les 39 heures hebdomadaires, le salarié conserve ce rythme et devra donc travailler 10 heures par jour pour effectuer le travail qu’il effectuait auparavant en 5 jours.
Voici des exemples d'horaires quotidiens sur une semaine de 4 jours de travail, en considérant une heure de pause le midi ou deux heures de pause :
- Avec 1 heure de pause le midi :some text
- Jours de travail : Lundi, Mardi, Jeudi, Vendredi
- Horaires : 9h00 à 18h00 (1 heure de pause de 13h00 à 14h00)
- Heures de travail par jour : 8 heures
- Avec 2 heures de pause le midi :some text
- Jours de travail : Lundi, Mardi, Mercredi, Jeudi
- Horaires : 8h00 à 18h00 (2 heures de pause de 12h00 à 14h00)
- Heures de travail par jour : 8 heures
Ces horaires permettent de maintenir le même volume horaire hebdomadaire tout en répartissant les heures sur moins de jours, offrant ainsi un jour de repos supplémentaire chaque semaine.
Dans tous les cas, les employés conservent le même salaire.
Quels sont les bienfaits notables pour les entreprises ?
Pour les entreprises qui décident de passer à la semaine de 4 jours, les avantages ne manquent pas :
Moins de stress
En réduisant leur temps de travail, les employés profitent d’un meilleur équilibre de vie et évitent les problèmes de santé liés au surmenage.
Pour Olivier Sâles, cofondateur de Love Radius, la semaine de 4 jours permet aux salariés de consacrer plus de temps à leur vie personnelle, aux loisirs, aux side projects qui les passionnent… “Je suis convaincu que le travail ne libère pas l’homme. C’est un mensonge de faire croire que l’on est mieux au travail parce qu’on peut y jouer au ping-pong ou au baby-foot. On rend les salariés captifs avec des joujoux. Ils travaillent juste moins et rentrent plus tard chez eux. Pour ma part, je préfère que le temps gagné au travail soit récupéré à l’extérieur”, affirme-t-il dans une interview pour Happy Job.
Dédier du temps aux passions personnelles permet aux collaborateurs de maintenir un environnement sain, évitant ainsi le désalignement avec l’entreprise qui peut mener au burn-out. Cette pratique crée un environnement de travail plus équilibré, où les employés se sentent valorisés non seulement pour leur contribution professionnelle mais aussi pour leur bien-être personnel, renforçant ainsi leur engagement et leur satisfaction au travail.
Productivité en hausse
En adoptant la semaine de 4 jours, les salariés n’ont pas le choix : ils doivent prioriser les tâches pour atteindre leurs objectifs.
En 2012 déjà, Jason Fried, CEO de Basecamp, déclarait : “Supprimer une journée chaque semaine vous oblige à hiérarchiser le travail qui compte vraiment et à laisser le reste de côté. Il ne s’agit pas de travailler plus vite, mais d’apprendre à travailler plus intelligemment et de réévaluer vos priorités”.
Les collaborateurs doivent devenir plus sélectifs, quitte parfois dire non à des projets non prioritaires ou à des réunions non urgentes. De nouvelles habitudes qui permettent de travailler de manière plus concentrée et réactive.
Engagement en hausse et réduction du turn-over
Après une déconnexion de 3 jours, les employés reviennent au bureau véritablement détendus et avec une meilleure énergie.
Pour Aidan Harper, économiste britannique et auteur du livre “The Case for a Four Day Week”, la semaine de 4 jours permet de fidéliser les employés et, à terme, de réduire les cas de burn-out : “Ce sentiment d’insatisfaction très répandu à l’égard du travail, combiné au fait qu’un congé maladie sur quatre est imputable au surmenage, a créé les conditions au sein de nos sociétés pour penser qu’on devrait travailler moins”.
En effet, la semaine de 4 jours peut significativement améliorer la rétention des collaborateurs, en créant un environnement de travail moins stressant et plus équilibré, ce qui encourage les employés à rester dans l'entreprise.
Comment mettre en place la semaine de 4 jours ?
La semaine de 4 jours demande à l’entreprise de changer son organisation en profondeur.
Lancer une expérimentation avant de pérenniser le modèle
Tous les employés ne sont pas enclins à passer du jour au lendemain à la semaine de 4 jours. Bouleversement du rythme quotidien, peur de la surcharge de travail, contraintes personnelles… Ce changement peut être une source de stress pour eux. Il n’est pas non plus anodin pour l’entreprise qui doit alors revoir son organisation.
Isabelle Rey-Millet, directrice d’Ethikonsulting et professeure à l’Essec, plaide pour une adoption progressive de la semaine de 4 jours : “Il faut être très lucide par rapport à tout ce qui se fait dans la semaine de 4 jours. Ça ne se fait pas comme ça. On a vraiment besoin d’accompagner, de faire changer le mindset et la culture des entreprises.”
Pour Virgile Raingeard, fondateur et CEO de Figures, le nouveau rythme doit être validé à la fois par les employés et par l’entreprise : “La semaine de 4 jours doit avant tout être un système gagnant - gagnant. Les employés gagnent certes en sérénité mais l’entreprise ne doit pas perdre en productivité. Dans l’idéal, elle doit même devenir plus performante.”
Par conséquent, avant d’adopter définitivement la semaine de 4 jours, il est donc préférable d'expérimenter pour se laisser la possibilité de revenir en arrière. Radioshop, une start-up montpelliéraine, a suivi ce fonctionnement et a même commencé par rendre ce changement facultatif pour les salariés : “On partait du principe que garder des salariés présents 5 jours pourrait même faciliter notre organisation en interne. Finalement, tout le monde a voulu passer aux 4 jours hebdomadaires donc la question ne s’est même pas posée”, explique Thomas Bergerot, fondateur et CEO.
Mesurer avec des indicateurs de performance
Vous connaissez l’adage “on ne gère bien que ce que l'on mesure” ? Et bien, c’est pareil pour la semaine de 4 jours !
L’agence Mozoo, qui a adopté la semaine de 4 jours en 2020, a par exemple instauré une série d’indicateurs permettant d’analyser les performances de ses salariés, selon les objectifs de chaque équipe (commercial, tech, opérationnelle…). Mathieu Rostamkolaei, PDG de Mozoo, explique : “Pour les commerciaux, on va regarder le panier moyen par projet, le chiffre d’affaires, le nombre de rendez-vous par semaine… Depuis le début du test, tous les indicateurs de chacune de nos équipes ont stagné ou progressé. Des gens plus détendus et reposés ont aussi plus de fraîcheur intellectuelle, et ça paie.”
La satisfaction des employés doit évidemment être évaluée dès la phase de test, même si elle est plus difficile à appréhender. Dans sa propre entreprise, Virgile Raingeard a mis en place un NPS employé permettant de comparer la situation avant / après et des questionnaires spécifiques aux sujets du stress et de l’équilibre pro / perso.
Vous pouvez également mesurer la satisfaction des employés en analysant le turn-over, les résultats de vos entretiens individuels…
Réinventer son organisation quotidienne
En supprimant un jour de travail par semaine, vos collaborateurs doivent optimiser leur temps. Terminés donc les envois de mails superflus ou les excès de réunionite aiguë.
Un travail de “rééducation” peut même être nécessaire. Vous pouvez par exemple inciter vos employés à :
- Être plus sélectif dans leur envoi de communications : souvent, seulement quelques salariés sont concernés par des mails envoyés à toute l’entreprise.
- Couper les notifications pour pouvoir se concentrer plus facilement.
- Passer d’un rythme de réunions quotidiennes à hebdomadaires, d’hebdomadaires à bimensuels, etc...
- Rédiger des comptes rendus de réunions : ils évitent ainsi d’inviter trop de collaborateurs aux réunions, en maintenant informées toutes les parties prenantes.
- Adopter des outils d’automatisation pour les tâches redondantes et chronophages.
Trouver le bon modèle
Il n’existe pas de modèle unique pour la semaine de 4 jours car chaque secteur d’activité a ses propres spécificités. Tout dépend du nombre de collaborateurs, de l’organisation interne, de la saisonnalité de l’activité…
Certaines entreprises mettent en place des processus spécifiques. L’équipe Yprema a par exemple créé des postes polyvalents, ainsi que des binômes et des trinômes, pour assurer le suivi des dossiers lors des jours de congé des salariés. Pour l’entreprise, ce fonctionnement améliore la communication et l’autonomie des salariés qui doivent se former pour acquérir de nouvelles compétences.
Même si les études démontrant les bénéfices de la semaine de 4 jours se multiplient, elle est encore loin d’être la norme. Pourtant, en plus de contribuer à lutter contre le stress professionnel, elle est pour Pierre Larrouturou, économiste et grand défenseur de la réduction du temps de travail, une des solutions à la réduction du chômage. Cependant, avant de pouvoir être appliquée, elle doit remporter l'adhésion de l'ensemble des salariés et s'adapter aux spécificités de l'entreprise.