Mais pourquoi confond-t-on salaire et rémunération ?
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Si vous demandez au commun des mortels de vous énoncer la différence entre salaire et rémunération, il y a fort à parier pour que la plupart des gens n’y voient qu’un synonyme. Pourquoi une telle confusion ? Et comment les entreprises peuvent-elles s’emparer du sujet pour en faire un atout de leur marque employeur ?
Salaire et rémunération, même combat ? Si pour les professionnels des RH, il s’agit de deux notions bien distinctes, la plupart des employés n’y voient qu’une redite sémantique. Alors, chers néophytes, si vous passez par là, sachez que le salaire est la somme nette que vous retrouvez en bas de votre bulletin de paie (jusqu’ici, tout va bien). “Le salaire est le premier élément qui formalise la relation avec un employeur. Concrètement, le collaborateur concède du temps à l’employeur contre un salaire”, rappelle Xavier Meulemans, fondateur de Blueprint Advisory et Ex Total Rewards & HRIS Director chez l’Occitane. Pour Sandrine Dorbes, ex-spécialiste de la rémunération chez BNP Paribas et fondatrice du cabinet de conseil How Much, le salaire est effectivement lié à la tenue quotidienne du poste. Autrement dit, tout ce qui concerne les primes variables, qu’elles soient individuelles ou collectives, n’entre pas dans le salaire, mais dans la rémunération.
“La rémunération, c’est tout ce qui représente un coût pour l’entreprise, et un gain pour le salarié”, résume Sandrine Dorbes. On comprend donc que la rémunération englobe en réalité une multitude d’éléments, y compris le salaire qui n’en est qu’une sous-section. Selon la spécialiste, la rémunération a trois objectifs : permettre au salarié de consommer (payer son prêt, son alimentation, ses factures…), le protéger (rôle de la prévoyance ou de la mutuelle), et l’aider à épargner (intéressement, actionnariat salarié, PEE, PERCO). “Il ne faut donc pas penser la rémunération comme quelque chose qui tombe tous les mois”, poursuit notre interlocutrice.
D’ailleurs, la rémunération, c’est aussi tous les avantages salariés (le fameux “package” que l’on vend aux candidats) : les tickets restaurant, chèques vacances, le remboursement des frais d’essence ou de péage, un véhicule de fonction, un abonnement de sport, un forfait pour s’équiper en télétravail et payer son électricité, un soutien à la garde d’enfant ou carrément une crèche d’entreprise.
“Le budget alloué à la formation rentre aussi en compte dans la rémunération”, ajoute Xavier Meulemans.
Le salaire, le “net” plus ultra
Mais pourquoi donc, par abus de langage, confondons-nous ces deux notions ? Ou plutôt, pour quelle raison réduisons-nous la rémunération à ce sacro-saint salaire ? “Parce que l'être humain est gouverné par ses besoins à court terme”, lance Sandrine Dorbes. Parmi ses priorités, la nécessité de percevoir un salaire mensuel suffisamment conséquent pour pouvoir contracter un crédit immobilier, et bien sûr assumer toutes ses charges au quotidien. Ce besoin de disponibilité immédiate des liquidités explique d’ailleurs le développement des solutions d'acompte sur salaire tant les fins de mois sont difficiles à boucler pour une part non négligeable de salariés.
À l’inverse, les entreprises qui tentent d’attirer les salariés avec l’octroi de titres financiers comme les BSPCE, moyennant un salaire peu attractif, peuvent avoir du mal à séduire.
Pierre, Head of Sales, nous le confirme : “j’ai travaillé pendant plusieurs années dans une start-up devenue licorne et grâce à laquelle j’ai des BSPCE supposés représenter une somme conséquente. Sauf que, il faut pouvoir les vendre, et ce n’est pas si évident que cela si l’entreprise ne lève plus de fonds ou n’envisage pas une entrée en bourse. Alors, avec mon nouveau job, j’ai insisté pour avoir un bon salaire et un véhicule de fonction, plutôt que des BSPCE. J’ai un gros emprunt et cela correspond à mes priorités du moment”, nous raconte-t-il.
Quand la politique de rémunération ne “paye” pas
Le témoignage de Pierre témoigne bien de l’appétence forte des candidats et collaborateurs pour un bon salaire fixe plutôt qu’une bonne rémunération au global. Et cela ne concerne pas que l’univers des start-up.
“Dans les grands groupes aussi, il y a une différence de valeur perçue entre les sommes -parfois colossales - investies par les boîtes dans les avantages et intéressements, et ce qu’en comprennent les salariés”, affirme Xavier Meulemans.
Si l’on reprend cette bonne vieille pyramide de Maslow, on comprend que le salaire en représente la base et que les avantages salariés sont en quelque sorte la cerise sur le gâteau. “Cela est aussi lié au fait que tous les salariés n’apprécient pas les mêmes avantages : certains vont être sensibles aux tickets-resto, d’autres aux politiques de soutien envers la parentalité etc”, abonde Sandrine Dorbes. À ce titre, des solutions comme Benefiz peuvent être particulièrement pertinentes en ce qu’elles permettent aux collaborateurs de jouir de leurs avantages sociaux selon leurs souhaits : sport, culture, intéressement, mobilité.
Permettre aux salariés d’effectuer leurs propres arbitrages est une bonne manière de leur redonner du pouvoir d’agir et surtout leur inculquer davantage d’éducation financière. “C’est souvent le bât qui blesse. Peu de collaborateurs comprennent vraiment comment fonctionnent les BSPCE par exemple, ou encore une prime de partage de la valeur”, poursuit Xavier Meulemans. Il en veut pour preuve cet exemple : 70% des salariés laissent le choix d’épargne mis par défaut par l’employeur dans les dispositifs d’intéressement. “Certains oublient même qu’ils ont une somme qui les attend au moment de leur départ de l’entreprise”, ajoute-t-il.
Entreprises, communiquez davantage !
Ce manque de culture financière est certes lié à notre éducation, mais pourrait être rectifié par les entreprises si celles-ci communiquaient davantage. Beaucoup de salariés ne comprennent tout bonnement pas la valeur des avantages qu’on leur donne. Par exemple, combien de collaborateurs font la différence entre un employeur qui prend en charge la mutuelle à 50% ou à 100% ?
“En France, la plupart des gens ne se soucient pas de leur protection sociale jusqu'à ce qu’il leur arrive quelque chose, alors que c’est un élément âprement négocié dans les pays anglo-saxons où il n’y a pas d'État Providence”, analyse Sandrine Dorbes.
Pour nos deux interlocuteurs, il est donc essentiel que les entreprises prennent à bras le corps le sujet en communiquant avec clarté. “Le maître mot, c’est la régularité des communications. Il faut répéter, souvent”, recommande la spécialiste. On peut par exemple réunir ses collaborateurs pour leur expliquer comment fonctionne la participation d’entreprise, comment est fixé le budget lié aux augmentations, puis annoncer ce qui doit l’être de manière individuelle. “Or, on observe que beaucoup d’entreprises communiquent peu leurs budgets d’augmentations et ne les valorisent pas dans des termes simples auprès des salariés”, rapporte Xavier Meulemans.
De plus, le recours au Bulletin Social Individuel (BSI), y compris dans les petites structures, peut être intéressant. Il permet de faire un inventaire de tout ce que comprend la politique de rémunération, et de mettre des chiffres sur ce que cela représente en termes d’investissement pour l’entreprise. Là encore, il est important de rendre le document le plus didactique possible, avec des camemberts et données chiffrées. De plus, “il ne faut pas oublier que les collaborateurs n’ont pas tous les mêmes enjeux financiers : à 20 ans, on s’intéresse plutôt à l’accession à la propriété, tandis qu’à 50, on commence à planifier sa retraite. Il est donc crucial d’établir ses personas en interne pour adapter sa communication”, recommande l’expert.
Sensibiliser et éduquer au sujet des finances personnelles représente donc un enjeu largement sous-estimé dans les entreprises. N’oublions pas enfin que par-delà sa technicité, le sujet de la rémunération est éminemment émotionnel. C’est pourquoi, chers employeurs, n’hésitez pas à prendre le temps nécessaire pour muscler votre communication sur ces sujets et en faire un vrai atout pour votre marque employeur, à la fois en termes d’attraction mais aussi de rétention des talents.