Compversation #13 - La rémunération, pas qu’un sujet de C&B
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J’ai lancé la newsletter The Compversation il y a plus de 6 mois avec un objectif en tête : fédérer la communauté comp & ben autour des grands défis que nous allons devoir relever dans les années à venir.
Parce que j’ai toujours été convaincu que nous ne réussirons notre transition vers l’ère de la transparence qu’en nous y mettant ensemble.
Dans les grandes entreprises comme dans les jeunes pousses, il y a de remarquables comp & bens qui innovent pour construire des environnements de travail plus équitables.
Ils mettent en place des process et des structures pour valoriser les contributions de tous les employés tout en facilitant la vie des managers.
Il est important de faire entendre leurs voix : nous pouvons tous apprendre de leur expérience terrain et adopter leurs best practices.
Saïm Bensaada est l’un d’entre eux. Riche de ses 20 ans d’expérience dans le domaine du comp & ben, il a officié en tant que VP of Global Rewards chez Kyriba pendant les 4 dernières années.
J’ai récemment eu le plaisir et le privilège de pouvoir discuter de l’évolution de notre métier avec lui. Il y aurait beaucoup de learnings à tirer de notre conversation, mais ce que je retiens surtout de la vision de Saïm, c’est l’importance qu’il accorde à l’éducation des employés et des managers.
Au-delà de la compliance
Quand je demande à Saïm comment les entreprises pourront se mettre en ordre de marche pour l’ère de la transparence, il distingue deux axes :
- La compliance
- L’éducation.
L’axe de la compliance a le mérite d’être clair : une nouvelle législation favorisant la transparence des rémunérations arrive en Europe et les entreprises vont devoir la respecter, whether they like it or not.
Mais c’est au-delà de la simple obligation légale que les choses se complexifient et deviennent vraiment intéressantes.
Pour Saïm, l’enjeu de l’éducation autour des problématiques de transparence, c’est surtout d’apaiser les inquiétudes qui peuvent surgir dans ce moment de transition.
Éviter que les employés ou les managers se fassent des « nœuds au cerveau ».
On sait à quel point les situations d’incertitude et l’inconnu peuvent troubler les environnements de travail et affecter le bien-être et la sérénité de tous…
Sans parler du temps perdu en hypothèses et suppositions, alors qu’il pourrait servir des fins plus constructives.
Voilà ce que préconise Saïm (et je suis tout à fait d’accord avec lui) : mettre les choses à plat le plus vite possible pour aller de l’avant.
Il faut démontrer que l’entreprise a une approche structurée, régulée et data-based de la rémunération…
… mais qu’il ne s’agit pas pour autant d’un problème de données pures : au cœur de chaque décision, il y a un véritable choix stratégique d’entreprise.
L’important : prouver que les décisions ne se font pas « à la tête du client », mais suivent des logiques notamment d’équité, que l’on peut enseigner à chacun.
L’éducation à la transparence, ça a l’air très bien, dans l’absolu, mais comment on fait, concrètement ?
C’est ce que l’expérience de Saïm peut nous permettre de comprendre.
Les managers : les relais principaux d’une politique salariale
Le premier relai de cet effort d’éducation, ce sont toujours eux : les managers.
Pour Saïm, l’équation est simple : les questions de rémunération font partie de leurs responsabilités.
Et plus les guidelines qu’on leur donne sont claires, plus ils sont capables de jouer ce rôle qui est le leur.
Mais quel est ce rôle, au juste ? Je ne résiste pas à poser à Saïm cette question, une des plus débattues du comp & ben.
Il y répond par une belle métaphore sportive :
« Je pense que le rôle des HR, c' est de définir le cadre de jeu, les lignes blanches sur le terrain et la position des différents éléments…et de fournir aux managers des stratégies de jeu qu’ils peuvent utiliser si besoin. Jouer sur le terrain, c'est le rôle des managers. »
Concrètement : notre travail commence par une normalisation des bandes de salaires et des explications sur les différences entre les managers et les individual contributors, ainsi que sur la différenciation au mérite.
Là aussi, la stratégie d’entreprise doit s’affirmer pour permettre aux managers de trancher :
« Moi je pousse à fond pour la différenciation sinon on fait du saupoudrage et personne n’est content. »
Pour pouvoir agir à partir de ces règles, les managers ont besoin d’avoir toutes les clés en main.
C’est pour ça qu’il est important de mettre à leur disposition un deck avec un échantillon de données afin qu’ils puissent les visualiser, les comprendre concrètement. Le côté visuel est important.
Le but final est de pouvoir systématiser tout cela et l’intégrer dans une formation de managers.
En parallèle de cette formation, il faut aussi mettre en place des mesures concrètes pour sortir de l’inertie.
Saïm donne l’exemple d’un budget central préalloué dédié à combler les écarts de gender equity : le manager peut décider de ne pas dépenser ce budget s’il a des problèmes de performances, mais ne pourra pas pour autant allouer cette somme à quelqu’un d’autre.
Ces solutions transitoires sont des « pompes d'amorçage » qui peuvent être mises en place avec l’accord des dirigeants.
Former ou informer ?
En écoutant Saïm parler de son expérience, je suis tenté de résumer le playbook du comp & ben face à l’âge de la transparence.
- Convaincre le leadership
- Former les équipes RH et les VP
- Former les managers
- informer les employés
Sur le dernier point, Saïm fait une distinction cruciale : pour les contributeurs individuels, il s’agit d’INformer plutôt que de former.
Les enjeux ne sont pas les mêmes : là où il faut donner aux managers les bons outils pour prendre les décisions, il est important d’expliquer les règles aux employés pour qu’ils ne se sentent pas lésés ou punis.
Seulement, voilà : pour que ce soit possible, il ne suffit pas de diffuser les bandes de salaires…
Mais il faut aussi mettre en place des logiques de développement de carrière qui permettent de comprendre comment passer d’une catégorie salariale ou l’autre.
Cela fait toute la différence entre un simple constat qui génère des frustrations sans possibilité concrète d’actions, et une approche qui met l’accent sur les possibilités d’avancement.
Et en ce qui concerne la communication en externe ?
Pour Saïm, il est important de dire que l’entreprise a mis en place une structure de rémunération équitable et compétitive, mais il met en garde contre le fait de trop mettre l’accent sur les avantages salariaux.
Il faut se poser la question de l’impact d’une surcommunication centrée sur la rémunération sur le type de “profil” répondant aux offres d’emploi : avec notamment le risque d’attirer des “mercenaires” appâtés par le salaire, avec un faible intérêt pour le projet de l’entreprise et ses valeurs.
Donc le gros de l’effort de formation et d’information se fait bien à l’intérieur de l’entreprise.
Cet échange avec Saïm a été si riche qu’il m’a poussé à me demander ce qui se passait ailleurs :
Comme toujours, je suis preneur de vos retours d’expériences et de vos témoignages en ce qui concerne les questions de transparence, et plus spécifiquement, d’éducation à la transparence.
Mes mails sont toujours ouverts pour en discuter !
Pour continuer la conversation
Une sélection de contenus pour nourrir la réflexion. N’hésitez pas à m’envoyer les articles qui vous ont semblé intéressants !
Salaire à découvert - Table Ronde - Welcome to the jungle
J’ai eu le plaisir de participer à cette table ronde organisée par Welcome To the Jungle aux côtés de Juliette Raimbault de chez Alan et Déborah Rippol de chez Zefir. Nous avons parlé de l’arrivée de la transparence et de la manière dont celle-ci pourrait servir de levier d’activité.
Transparence salariale : il est encore temps de prendre le train en marche ! - Les Échos
J’ai signé cette tribune dans Les Échos pour souligner les manières dont les entreprises peuvent encore prendre les devants avant l’arrivée de la législation sur la transparence.
Transparence des rémunérations : un énorme chantier s’ouvre pour les entreprises - Le Monde - Myriam Dubertrand
Au plus près des entreprises, Le Monde témoigne du grand chantier mis en place pour se préparer à l’ère de la transparence ainsi que des principaux défis auxquels il faudra faire face.