La transparence des salaires est en passe de devenir un sujet incontournable pour les RH, comme le montrent les discussions autour de la nouvelle directive européenne sur la transparence des rémunérations. C’est pourquoi il nous semble très utile de faire le point sur la situation !
Quelle est la situation en France ? Quels vont être les prochains changements pour les entreprises de l’hexagone ? C’est à découvrir dans cet article.
Équité et transparence des salaires : quelle est la situation en France actuellement ?
Avant de plonger dans les détails du droit du travail français, voici quelques statistiques à garder à l'esprit en termes d'équité et de transparence.
Quel est l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes en France ?
Selon les dernières données de l'OCDE, l'écart salarial entre les hommes et les femmes en France serait de 11,6 %. Cet écart est légèrement inférieur à celui du Royaume-Uni (14,5 %) et de l'Allemagne (13,5 %) et proche de la moyenne de l'UE (10,8 %).
Qu'en est-il de la transparence des salaires pour les offres d'emploi ?
L'un des principaux enjeux de la transparence des salaires concerne les personnes en recherche d’emploi. Il s’agit de leur donner le plus d’informations possible sur le salaire du poste qu’ils visent - généralement en le mentionnant dans l’offre d’emploi.
Comme nous l'avons déjà précisé, cette pratique peut vous aider à attirer les meilleurs candidats. Elle permet également d’éviter toute perte de temps avec les personnes dont les attentes salariales dépassent vos capacités financières.
D’ailleurs, les entreprises le comprennent de plus en plus. Un rapport d'Indeed révèle que le nombre d'offres d'emploi contenant des informations sur le salaire a doublé depuis 2019. En septembre 2024, 57,8 % des offres d'emploi incluaient des informations salariales. Cette tendance est en phase avec la situation d'autres pays européens, comme au Royaume-Uni, en Allemagne et aux Pays-Bas.
Une ombre au tableau demeure néanmoins : les offres d'emploi des postes les plus rémunérateurs sont beaucoup moins transparentes. En effet, toujours selon le même rapport, seulement 36 % des offres concernant les postes au salaire le plus élevé contiennent des informations salariales, contre 56 % pour les postes les moins bien rémunérés.
Que pensent les Français de la transparence des salaires ?
Dans de nombreux pays, parler de salaire a toujours été considéré comme un tabou culturel. Mais, comme partout ailleurs, il semblerait que les choses soient en train de changer en France.
En 2022, en interrogeant les salariés français, le site d'emploi Monster a constaté que 52 % d'entre eux affirment ne pas hésiter à parler de leur salaire avec leur entourage. Mais si l'on décompose ce résultat en fonction de l'âge, nous constatons que les jeunes générations sont beaucoup plus à l'aise avec ce type de discussion.
Parmi les groupes d'âge les plus jeunes interrogés, 61 % des 18-24 ans et 65 % des 25-34 ans déclarent qu'ils ne voient aucun inconvénient à en parler, contre seulement 43 % des personnes âgées de 50 ans et plus.
Selon nous, ces chiffres ne montrent pas nécessairement que les attitudes à l'égard de la transparence diffèrent en fonction de l’âge. Il se pourrait simplement que les salariés les plus âgés soient ceux qui occupent des emplois mieux payés et donc soient moins susceptibles d'en parler autour d’eux.
Seul l'avenir nous le dira. Mais pour l'heure, il est encourageant de constater que la transparence des rémunérations est de mieux en mieux acceptée, notamment pour les 18 - 34 ans. On pourrait en effet s’attendre à une certaine réserve, étant donné que cette population connaît généralement une forte progression salariale durant ces années.
Transparence salariale et psychologie des employés : entre motivation et défis culturels
Parler salaire, ce n’est plus tabou — c’est stratégique. Lorsqu’un collaborateur sait que sa rémunération est alignée sur celle de ses pairs, il se sent respecté, reconnu. Cette transparence nourrit un sentiment de justice, renforce la motivation et crée un climat propice à l’engagement.
Côté entreprise, l’impact est tout aussi fort : les offres d’emploi claires attirent davantage de profils qualifiés, limitent les incompréhensions à l’embauche et réduisent le taux de turnover. Les talents restent quand ils savent qu’ils sont traités équitablement et qu’ils peuvent évoluer selon des règles lisibles.
Mais on le sait, divulguer son salaire reste délicat en France. Trop de transparence, mal expliquée ou mal encadrée, peut entraîner frustrations, jalousies ou comparaisons mal vécues. L’exercice ici est particulièrement complexe car il s’agit aussi d’un blocage propre à nos représentations culturelles. Dans les pays nordiques, comme la Norvège ou la Suède, la transparence fait partie du contrat social. Aux États-Unis, c’est la culture du mérite qui domine. Parler salaire et négocier sa rémunération font partie du jeu. Dans notre culture où l’argent doit encore se faire discret, il est donc plus qu’important de poser un cadre solide et rassurant au sein des entreprises : des critères d’évolution connus, une grille salariale accessible et un discours aligné du côté des managers.
Que dit la loi sur la transparence salariale ?
Les règles relatives à la transparence salariale en France sont pour la plupart définies dans un texte appelé "Loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel", publié en 2018.
Cette loi oblige notamment les employeurs à rédiger et à publier un rapport annuel sur leur "indice de l'égalité professionnelle femmes-hommes" (Equal Pay Index).

Comprendre l'indice d'égalité salariale (indice Egapro)
L'indice d'égalité salariale (également connu comme l'"indice Egapro") est un outil qui permet aux entreprises d'évaluer l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.
Pour calculer leur indice, les entreprises doivent se noter dans cinq domaines liés à l'égalité salariale, puis additionner leur nombre de points pour obtenir leur note globale. Le résultat est un chiffre compris entre 0 et 100. Plus le chiffre est élevé, meilleure est l’égalité salariale.
Voici les cinq indicateurs pris en compte par l'indice d'égalité salariale :
- L'écart de rémunération entre les femmes et les hommes, regroupés par âge et par niveau d'emploi (40 points)
- La différence du taux d'augmentation salariale entre les femmes et les hommes (20 points)
- L’écart entre les taux de promotion des femmes et des hommes (15 points)
- Le pourcentage de salariées qui obtiennent une augmentation dans l'année suivant leur retour de congé de maternité (15 points)
- Le nombre de femmes parmi les 10 plus hauts salaires de l'entreprise (10 points)
Un score de 100 signifie que l'entreprise a une égalité de rémunération totale et qu'il n'y a pas d'écart de rémunération selon le genre. Les entreprises doivent atteindre un score supérieur ou égal à 75, sous peine de subir des sanctions.
À quelles entreprises ces règles s'appliquent-elles ?
Ces règles s'appliquent à toutes les entreprises publiques et privées employant au moins 50 personnes.
Les entreprises qui comptent entre 50 et 250 employés ne doivent prendre en compte que quatre des cinq indicateurs mentionnés ci-dessus - elles ne retiennent pas l'écart entre les taux de promotion des hommes et des femmes.
Comment l'indice doit-il être publié ?
Les entreprises françaises doivent publier leur indice de rémunération sur leur site web, au plus tard le 1er mars de chaque année. Si elles n'ont pas de site web, elles doivent le communiquer à leurs employés d'une autre manière.
Elles doivent également :
- Le déclarer à l'inspection du travail
- Le communiquer à leur comité social et économique (CSE)
Quelles sont les conséquences d'un mauvais score ?
Lorsque l'indice d'égalité salariale d'une entreprise est inférieur à 75, celle-ci doit réaliser une étude approfondie de l'équité salariale et mettre en place des mesures pour améliorer son score.
Les entreprises qui obtiennent un score inférieur à 75 pendant trois années consécutives peuvent se voir infliger une amende allant jusqu'à 1 % de leur masse salariale totale. Cette amende s'applique également aux entreprises qui ne publient pas leur indice d'égalité salariale.
Les résultats de l'indice Egapro en 2025
Une fois toutes les données collectées, le gouvernement français publie chaque année les résultats de l'Index de l'égalité professionnelle. Voici quelques informations sur la situation en 2024 :
- 77 % des entreprises ont publié leur Index Egapro (contre 72 % en 2023).
- Parmi les entreprises qui ont publié leur score, celui-ci est en moyenne de 88.
- 93 % des entreprises ont obtenu un score de 75 ou plus.
Certes, la situation en France est plutôt bonne. Mais il y a encore du pain sur la planche ! Les résultats montrent en effet que seulement 2 % des entreprises ont obtenu la note maximale de 100. En outre, 77 entreprises ont une note inférieure à 75 depuis 4 ans, dont 65 entreprises de 50 à 250 salariés.
Pour améliorer ces scores, le gouvernement souhaite mettre l'accent sur deux mesures principales à partir de 2025 :
- Pourcentage de femmes recevant une augmentation de salaire après un congé de maternité : 6 % des entreprises (contre 11 % en 2022) ont obtenu 0 sur cet indicateur et sont donc en infraction vis-à-vis de la loi de 2006. 93 entreprises ont 0 et n’ont enregistré aucun progrès depuis 2021 ;
- Parité dans les 10 meilleures rémunérations : 32 % des entreprises ont moins de deux femmes dans les 10 meilleures rémunérations et 4 294 entreprises n’ont enregistré aucun progrès depuis 2021.
En somme, durant ces prochaines années, les entreprises françaises vont devoir redoubler d'efforts pour augmenter la représentation des femmes parmi les postes à responsabilité. Elles devront aussi soutenir davantage les femmes revenant d'un congé de maternité.

Que va changer la nouvelle directive européenne sur la transparence des salaires ?
Les 27 États membres de l'Union européenne, dont la France, vont progressivement adopter la directive européenne sur la transparence salariale. Ils ont jusqu'à juin 2026 pour l’intégrer à leur droit national, ce qui va forcément apporter des changements à la vie des salariés français. Pensez également à modifier vos révisions salariales afin qu'elles soient en accord avec la nouvelle réglementation.
Pour rappel, voici les principaux changements qui vont être apportés par la directive :
1. Publication de rapports sur l'écart des rémunérations selon le genre
Les entreprises de plus de 100 salariés devront publier des rapports régulièrement sur l'écart salarial entre les hommes et les femmes.
Celles dont l'écart de rémunération est supérieur ou égal à 5 % devront réévaluer l’ensemble des salaires en collaboration avec les représentants du personnel et prendre des mesures correctives.
2. Accès des salariés à l’information
Les employeurs ne pourront refuser l’accès des salariés aux informations sur les niveaux de rémunération et les critères de promotion au sein de leur entreprise. Il ne s’agira plus simplement de fourchettes approximatives, mais d’un affichage des salaires clair et structuré. Celui-ci devra préciser les rémunérations de référence pour chaque poste ou niveau hiérarchique.
Ces critères permettront aux salariés d’identifier d’éventuels écarts injustifiés et de mieux comprendre les perspectives d’évolution. Ce nouveau droit d’information contribuera à instaurer une culture salariale plus équitable au sein des organisations.
3. Preuve à charge dans les cas de discrimination salariale
Si un salarié pense être ou avoir été victime d'une discrimination salariale, l'employeur devra apporter les preuves d’une absence de discrimination.
4. Transparence salariale pour les offres d'emploi
Les employeurs devront fournir des indications sur les salaires aux candidats avant l'entretien d'embauche. De plus, il leur sera désormais interdit d’interroger les candidats sur leurs précédents salaires lors du processus de recrutement. Une entreprise ne pourra pas non plus inclure dans un contrat de travail une clause interdisant au salarié de divulguer son salaire.
Bien que nous n’ayons pas de boule de cristal pour prédire les changements à venir, il est clair que le paysage en matière de transparence salariale va fortement évoluer en France.
Aujourd’hui, il n'est par exemple pas obligatoire d'inclure des informations sur les salaires dans les offres d'emploi. Bien que cette pratique tende à se normaliser, la directive sur la transparence salariale va la rendre obligatoire pour tous les employeurs. Les usages vont s’uniformiser, au profit des personnes en recherche d’emploi.
La France devra également changer sa législation sur la publication de rapports sur l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes. En octobre 2023, le Premier ministre français a d’ailleurs annoncé une réforme des règles liées à l'indice Egapro.
À titre d'exemple, voici quelques idées qui ont émergé :
- Obliger les entreprises à analyser la présence des femmes dans les 10 % de salariés les moins bien rémunérés de l'entreprise.
- Exiger plus de transparence sur la manière dont les entreprises calculent l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes.
- Supprimer le seuil de tolérance de 5 % pour l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes.
- Créer un outil pour aider les petites entreprises à calculer leur indice.
- Obliger les entreprises à prendre en compte le taux d'augmentation de salaire reçu par les hommes et les femmes, et pas seulement le pourcentage d'hommes et de femmes ayant reçu une augmentation.
Pour en savoir plus
Vous souhaitez en savoir plus sur la directive européenne sur la transparence des salaires et sur son impact sur les entreprises européennes ? Consultez notre guide complet sur le sujet !