La Belgique s'est positionnée comme un adoptant proactif de la directive européenne sur la transparence salariale, publiant son projet de législation le 15 mars 2025, s'inscrivant dans le mouvement européen plus large de réforme de la transparence des rémunérations.
S'appuyant sur son cadre existant de reporting sur l'écart de rémunération entre les genres, l'approche belge combine des règles de transparence strictes, des seuils de correction d'écart de rémunération agressifs et des mécanismes de dialogue social renforcés.
Cadre législatif et calendrier
Le projet de loi belge intègre la directive européenne dans sa loi sur l'écart de rémunération entre les genres de 2012, élargissant les obligations existantes tout en introduisant de nouvelles exigences. Les étapes clés comprennent :
- 30 juin 2025 : Conclusion des débats en commission parlementaire sur le projet de loi1
- Décembre 2025 : Approbation finale attendue par le Parlement fédéral1
- 7 juin 2026 : Date limite de mise en œuvre complète alignée sur les exigences de l'UE
- 1er janvier 2025 : Entrée en vigueur des premières dispositions pour les employeurs sous la juridiction de la Fédération Wallonie-Bruxelles
Contrairement à l'approche minimaliste des Pays-Bas, la Belgique poursuit une mise en œuvre "renforcée", ajoutant des règles plus strictes que celles mandatées par la directive. Notamment, le seuil d'écart de rémunération de 5% déclenchant une action corrective est réduit à 3% dans la proposition belge, reflétant l'ambition du pays de prendre l'initiative en matière d'équité salariale. Pour mieux comprendre comment cette approche 'renforcée' se compare aux exigences minimales de la directive, consultez notre FAQ complète sur les obligations européennes en matière de transparence salariale.
Obligations renforcées en matière de transparence
Recrutement et divulgation des salaires
Le projet de loi introduit des changements radicaux dans les pratiques d'embauche :
- Les employeurs doivent publier des fourchettes de salaire minimum et maximum dans toutes les offres d'emploi, y compris celles sur les plateformes tierces
- Les conventions collectives (CCT) applicables au poste doivent être mentionnées dans les avis de vacance
- Les questions sur l'historique de rémunération des candidats sont interdites pendant les processus de recrutement
Ces exigences forceront de nombreuses organisations à abandonner des approches de recrutement obsolètes qui perpétuent les inégalités salariales. Cette obligation de divulgation des fourchettes salariales dans les offres d'emploi présente à la fois des avantages et des défis pour les recruteurs belges.
Droits des employés aux données salariales
Les employés obtiennent un accès sans précédent aux informations de rémunération :
- Droit de demander des détails écrits sur leurs composantes individuelles de rémunération (salaire de base, bonus, indemnités) dans un délai de 30 jours
- Accès aux chiffres médians de rémunération ventilés par genre pour leur rôle et des postes comparables
- Protection contre les représailles pour avoir discuté de leur rémunération avec des collègues ou exercé leurs droits à la transparence
Exigences de reporting échelonnées
Le cadre belge introduit des rapports échelonnés alignés sur les seuils de l'UE mais ajoute des règles de divulgation granulaires. La mise en œuvre de ces exigences de reporting détaillées nécessitera une approche structurée de la collecte et de l'analyse des données RH. :
Employeurs de 250+ employés :
- Reporting annuel à partir de juin 2027
- Doivent divulguer les écarts de rémunération entre les genres concernant le salaire de base, les bonus, les stock-options et les avantages non monétaires
- Inclure la distribution de la main-d'œuvre à travers les quartiles de rémunération par genre et catégorie d'emploi
Employeurs de 150 à 249 employés :
- Reporting triennal à partir de juin 2027
- Divulguer les écarts de rémunération médians entre les genres et la proportion de femmes/hommes recevant une rémunération variable
Employeurs de 100 à 149 employés :
- Reporting triennal à partir de juin 2031
- Rapporter les écarts de rémunération moyens et justifier les disparités dépassant 3%
Tous les rapports doivent être soumis à l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes et partagés avec les représentants des employés.
Protocole de correction des écarts de rémunération
Le seuil belge de 3% pour les écarts de rémunération inexpliqués déclenche l'un des processus de correction les plus rigoureux d'Europe. Face à ce seuil particulièrement strict de 3%, les entreprises belges devront maîtriser les techniques d'analyse d'équité salariale approfondie pour identifier et corriger proactivement les écarts. :
Évaluation conjointe obligatoire de la rémunération
- Les employeurs doivent effectuer un audit détaillé avec les représentants des employés dans les trois mois suivant l'identification d'un écart
- L'analyse doit couvrir les pratiques d'embauche, les taux de promotion et l'allocation de rémunération variable
Plan d'action correctif
- Développer des objectifs mesurables pour éliminer les disparités dans les 12 mois
- Soumettre des rapports trimestriels sur les progrès aux Conseils d'entreprise et à l'Institut
Sanctions financières
- Amendes jusqu'à 25 000 € par infraction pour non-conformité
- Les récidivistes font face à la publication des violations sur un registre gouvernemental "name and shame"
Les organisations devraient mener des analyses préventives d'équité salariale pour identifier et résoudre les écarts potentiels avant qu'ils ne déclenchent une remédiation obligatoire.
Intégration aux systèmes existants
La Belgique harmonise la directive avec deux mécanismes établis :
Analyses biennales de l'écart de rémunération
- Déjà obligatoires pour les employeurs de 50+ employés depuis 2012
- Élargies pour inclure une analyse intersectionnelle des écarts de rémunération par âge et nationalité
Rapports de gender mainstreaming
- Les entreprises de 150+ employés doivent désormais inclure des métriques de transparence salariale dans leurs rapports annuels sur l'égalité des genres
- Nécessitent l'approbation à la fois du Conseil d'entreprise et de la direction de l'entreprise
Application et dialogue social
L'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes obtient une autorité renforcée pour :
- Mener des audits aléatoires des registres de paie des employeurs
- Émettre des ordres contraignants pour modifier les structures de rémunération non conformes
- Maintenir une base de données publique de rapports anonymisés sur les écarts de rémunération
Les Conseils d'entreprise voient leur rôle élargi pour :
- Approuver la méthodologie des calculs d'écart de rémunération
- Surveiller la mise en œuvre des plans d'action correctifs
- Demander des audits externes des structures de rémunération aux frais de l'employeur
Face à ce régime d'application renforcé, les entreprises belges devraient adopter des stratégies proactives pour réduire les écarts salariaux avant même les premiers audits.
Étapes de préparation stratégique
Alignement de la structure de rémunération
- Cartographier tous les rôles en utilisant le système de classification des emplois BELGAM, le cadre standardisé belge pour les évaluations de travail égal
- Mener des audits préventifs de rémunération pour identifier les écarts dépassant 3%
L'utilisation du système BELGAM devrait s'accompagner d'une révision méthodique des grilles salariales pour garantir leur neutralité de genre et leur équité.
Refonte du processus de recrutement
- Mettre en œuvre des solutions logicielles pour automatiser les divulgations de fourchettes salariales dans les offres d'emploi
- Former les responsables du recrutement sur les questions d'embauche interdites et les techniques d'atténuation des biais
Développement de l'infrastructure de données
- Mettre à niveau les systèmes RH pour suivre et désagréger les données de rémunération par genre, âge et catégorie d'emploi
- Développer des modèles pour des rapports conformes à l'UE en français, néerlandais et allemand
Engagement des partenaires sociaux
- Initier un dialogue avec les syndicats sur les révisions de structure de rémunération
- Planifier des sessions de formation obligatoires pour les membres du Conseil d'entreprise sur les droits à la transparence salariale
Contextualisation du paysage d'équité salariale en Belgique
L'écart de rémunération entre les genres en Belgique de 5,8% en 2023 (contre une moyenne de 12,7% dans l'UE) masque des disparités persistantes dans les rôles de direction et les secteurs à haute rémunération. Par exemple :
- Les femmes n'occupent que 22% des postes de direction dans les multinationales belges
- L'écart de bonus entre les genres dépasse 25% dans les services financiers
L'accent mis par la directive sur la transparence de la rémunération variable cible ces inégalités enracinées, exigeant la divulgation des allocations de stock-options et des critères de rémunération à la performance.
Conclusion
La mise en œuvre par la Belgique de la directive européenne sur la transparence salariale représente un changement de paradigme dans la gestion de la rémunération. En fixant des seuils plus stricts que le minimum de l'UE et en donnant plus de pouvoir aux partenaires sociaux, la Belgique vise à accélérer les progrès vers l'équité salariale. Les professionnels de la rémunération doivent prioriser les audits de structure de rémunération, les mises à niveau des systèmes de données et l'engagement proactif avec les Conseils d'entreprise.
Avec la finalisation du projet de loi attendue fin 2025, les employeurs disposent d'une fenêtre étroite pour se préparer. Ceux qui considèrent la transparence comme une opportunité plutôt qu'une obligation seront les mieux positionnés pour attirer les meilleurs talents et favoriser des cultures de travail équitables.